Le paradis, ce n'est pas toujours ce que l'on pense.

La mort en échantillon

Thème La part des anges
Groupe d’écriture Les dissidents de la pleine lune.
Caractères 3260 / 3000

La nuit passée, j’ai rêvé bizarre.

Suis dans cet endroit avec du nuage, un escalier à l’infini et un barbu à la vieillesse bien entamée.
Au-dessus lui, des enfants nus et sans zizi papillonnent. Ils sourient niais. Assez niais pour donner envie de leur déboiter la tête.
« Vous. Savez-vous pourquoi vous êtes ici ? » qu’il me demande le papi.
Lui réponds que non. Faut toujours répondre non quand on se fait interroger.
Mon pote Raoul qui m’a appris ce truc.
« Vous », il me pointe du doigt, « vous avez pêché ».
Lui réponds que c’est vrai, mais qu’à chaque fois j’ai rejeté le poisson à l’eau.
« Dans les actes », il me reprend, « repentez-vous pour atteindre le paradis ».
Je lève le sourcil, « quel paradis ? »
« Derrière moi » dit-il en me montrant l’escalier à l’infini, pendant que les chérubins font des « haaaaa » en canon.
Veux pas aller derrière lui.
C’est rempli de faux-gentils derrière lui, ces personnes qui se croient bonnes, mais qui sont prêtes à tuer pour maintenir leurs privilèges.
C’est rempli de quidams qui disent « aimer », mais qui ne le font jamais de manière inconditionnelle, toujours pour en retirer une satisfaction personnelle.
Ce qu’il me faut, à moi, ce sont des catins expérimentées, des hommes stéroïdés, des animaux émoustillés et même des enfants débraillés qui participent à la débauche pendant que les queues de Satan me lustrent les orifices.
Mot pour mot, je lui dis tout ça.
Il ne bronche pas, comme s’il n’avait rien compris à mon trait de lubricité et me sort « Dieu. Il saura être indulgent ».

Avec mon pote Raoul, on avait un slogan : « Agir plutôt que subir », pour éviter de jouer à la victime.
La première des idées brillantes qui me vient à l’esprit, c’est le suicide.
Se suicider pour protester, au purgatoire qui plus est, y’a du génie entre mes deux épaules, non ?
Mais dans une mer de nuage, pas l’ombre d’une corde, d’un four ou d’une lame.
Nul.
Une deuxième idée brillante aguiche mon esprit : séduire le plus chétif des ploucs qui volent.
« Tac tac » lui fais du coin de la bouche.
Il vient vers moi, « Hiiiiii » qu’il trisse.
Trop mignon.
Là, je lui chope son aile, je le plaque au sol, je pose mes genoux sur ses fesses sans trou, j’enfile ma main dans sa tignasse d’or, je tire sa tête vers l’arrière, elles aiment toutes ça.
Et je tire, oh oui mon Dieu je tire de toutes mes forces, pour lui faire sauter sa nuque de giton divin, pendant qu’il fait des « hi, hi, hiiiii » en battant de ses petites ailes, comme une mouche dans un sirop. « Laisse-toi faire », lui dis, alors que les autres rappliquent. Ils me tabassent dans les côtes, ça craque de partout, dans le visage aussi, et ça craque aussi, mais je tiens bon, je tire, je tire… Jusqu’à ce qu’un vicieux me mette KO par une frappe dans les noisettes.
M’écroule.
Même en rêve ça fait super mal les noisettes.
Et même Raoul ne m’a jamais préparé à un coup pareil.

Me réveille, le poing serré, la tige à 45 degrés. À trifouiller de la croupe d’ange, fallait s’y attendre.
C’est peut-être ça l’enfer, se réveiller chaque jour avec un peu moins de beauté, un peu plus de bobos.
Être triste, puis heureux, mais surtout triste, parce qu’on se sent jamais vraiment compris, jamais vraiment homologué à la norme de la société.

Finalement… crever, ça se mérite.

Image - Poster de propagande soviétique