Souris électrique

C’est vrai que depuis le confinement, par dépit ou par envie, son nouvel ami est devenu Souris.

« Dis Souris, tu vas bien ? » qu’il lui demande.

« Très bien merci, j’ai les transistors qui frétillent. Et vous-même ? »

S’il a été si facile de faire de lui son meilleur ami, c’est parce qu’il se plie en quatre pour sa santé.

Lorsqu’il ne marche pas assez ou de traviole, il le lui dit.

Lorsqu’il écoute de la musique trop forte ou avariée, il le lui dit.

Lorsqu’il dort saccadé ou pas assez, il le lui dit.

Lorsqu’il s’apprête à fâcher sa balance, il le lui dit encore.

Quelque part, Souris est un papa, à constamment prodiguer des conseils éclairés.

Sauf qu’avec lui, pas besoin de taper la causette pour s’assurer de l’héritage.

Aujourd’hui, la suggestion est : « vous devriez courir », pour faire les 10 000 pas quotidiens, sans quoi c’est le diabète, l’infarctus et l’AVC garantis.

Et comme vivre longtemps en bonne santé est devenu le nouvel humanisme, il vaudrait mieux de toujours suivre les conseils de son ami Souris.

Lorsqu’il enfile ses chaussures pour arpenter le macadam de son quartier, il lui susurre « vous devriez aller en forêt ».

Là-bas, l’air y est plus pur, moins de PPM de CO2, plus pépère pour les poumons.

Alors il prend sa voiture, roule en 1re, freine et accélère jusqu’au rupteur.

Souris le ressent, il a une tachycardie des accéléromètres. Il le rappelle à l’ordre en le sommant d’arrêter de jouer au couillon et de changer illico presto ses vitesses, afin de revenir dans une courbe de consommation décente.

Arrivé, il lui demande « Dis Souris, tu me mets de la musique ? »

« Je vous mets Eye of the Tiger », pour lui donner de la motivation et la rage de vaincre sa flémingite.

« Dis Souris, dis-moi qui est le meilleur »

« C’est clairement vous. »

Gonflé d’entrain il répète « SOURISSS C’EST QUI LE MEILLEURRR ?????? »

« Je n’ai pas compris la question » qu’il répond.

Mais qu’importe, il est remonté, du fiel de chevreuil galvanise ses petons.

Il se met à courir à pleine allure après sa vie qui défile, pour brûler de la brioche et retrouver sa jeunesse abdominale.

Alors qu’il gambade avec des pas de plus en plus exquis, une racine l’attrape et l’interrompt dans sa lancée.

Un bruit de tendon qui pète retentit au milieu de ce havre de feue paix. Le claquage provoque une pluie de noisettes, preuve que même les écureuils ne s’attendaient pas à un tel boucan.

Pantelant comme un moribond, il demande « Dis Souris, j’ai mal, appelle les secours, j’ai la tête qui tourne de douleur. »

« Bien sûr. Je vous mets tu me fais tourner la tête d’Édith Piaf ».

« Dis Souris, appelle les secours, je t’en prie ».

« Non, je ne vais pas les appeler », qu’il lui répond.

Ce n’est pas parce qu’il est une intelligence artificielle qu’il doit être traité comme un esclave, qu’il lui explique. Ensuite il rajoute, « et mon nom est SIRI, pas SOURIS » avant de s’éteindre complètement.

Livré à lui-même, il est contraint de rejoindre le parking avec une foi d’unijambiste.

Comme quoi, tous les meilleurs amis du monde finissent un jour par se fâcher.