Ceci est presque une histoire de sexe.

18cm. Plus ou moins.

Pour moi, l’été est synonyme de trois choses  :

Bouffer des fruits.
S’enfiler des stéros.
Et déglinguer le cul de ma copine. Comme un animal. Une fois fini, elle doit roter de la merde.
En gros en été, je suis sec, je suis beau et le monde tourne autour de ma queue.

Voilà des années qu’opère cette règle de trois. Et pas que pour moi.
Avec mes potes, on a toujours été des agressifs du bourillon. Mais le temps a déformé la coutume, maintenant derrière chaque coup de bite se cache un bébé.
Même les plus célibataires d’entre nous, ceux qui le sont depuis le Big Bang ont soudainement découvert «  l’amour  ».
Lorsqu’ils nous présentent leur nouvelle copine, Tulipe, ils nous disent «  Tulipe ne boit pas  ».
Et pourquoi ne boit-elle donc pas, Tulipe serait-elle en plastique  ?
«  On attend un enfant  » qu’ils nous jettent à peine avoir enlevé les chaussures.
Les uns après les autres, ils se dupliquent, sans parfois se connaître, comme s’ils avaient zappé les cours d’éducation sexuelle de Madame Babouche (celui avec le préservatif et la banane)… pour ensuite me demander de devenir parrain ou tonton de mes couilles.
Pendant neuf mois ils vont briser la planète entière avec leur grosse, qui ne boit pas d’alcool, ne mange rien de cru, sauf des carottes, qui prend des compléments, du magnésium, du potassium, qui ne peut pas trop bouger, qui fait de l’aquagym, qui a des flatulences, qui ne peut plus fumer, qui se fait sauter des vergetures, qui fait caca mou, qui est à fleur de peau, et cætera, ex nihilo fit in utero.
La liste est tellement longue que je suis à chaque fois obligé de me foutre une mine pour pas que ces conneries corrodent mes tympans.
J’ai l’alcool gentil, il me rend tolérant.

Quand on essaie de changer de sujet, en parlant de fornication par exemple, ça répond «  non, j’ai trop peur que le zizi tape dans l’œil du bébé  ».
C’est bien connu, s’il tapait, ça en ferait un borgne ou un triclope.
«  D’ailleurs dorénavant on dit zizi  », qu’on me reprend.
Le langage dégage à présent de la coquetterie, car le petit crapaud dans son liquide amniotique pourrait entendre les ignominies, même à travers le mille-feuille de graisse abdominale.
Et là, je pense à ma vieille mère qui fumait, qui aimait le pinard et la bite.
OK je suis sorti avec le cordon autour du cou, j’étais bleu en m’échappant de son trou.
Un cordon-bleu.
Ce qui fait que je suis un peu plus couillon que la moyenne, mais au moins elle en a profité de sa grossesse, mi madre.
De toute manière, dans un monde de tolérance, être un con n’est pas une fatalité.

Si la gestation a rendu les futurs parents rêches du cul, on atteint des paroxysmes lors de l’expulsion de la crevette.
Faire-part avec photo dans une position improbable, textes à la première personne emplis d’originalité  :
 «  J’ai dit kikou à papou d’amour à 25h17, je pèse 8.6kg, mamou est dans un sale état, mais bonne nouvelle, elle n’est pas morte  ».
Ces mots sont porteurs de grande joie, malgré que la mère s’est fait déchirer entre la chatte et l’anus et qu’elle est nippée d’un Pampers à l’heure où on lit la lettre.
Episiotomie, c’est le nom de ce coup de bistouri dans le jargon médical. C’est un peu comme une enculade qui aurait très mal tourné.
Le chirurgien lorsqu’il recoud la parturiente, peut faire un point de suture supplémentaire, pour que la pine du mari soit davantage en émoi.
Le point du mari. Chaque féministe connaît cette pratique, parce qu’elle ne sert à rien et qu’elle fait mal.
Mal à la femme bien sûr. Sinon ça serait les homonistes qui dénonceraient la méthode.

Cependant, après une mise bas, essayer de corriger l’anatomie défaillante d’un couple n’est que futilité.
Pour écrire cela joliment, ils sont un peu comme ces chenilles qui se transforment en papillons.
Eux, après neuf mois de chrysalide, ils sont devenus parents.
Avec la métamorphose, la libido s’envole.
Comme un papillon.
Et ça n’a rien de mécanique.
Pour le comprendre, il suffit de reprendre la liste de tout à l’heure, en changeant quelques termes. Ça la rend tout aussi longue et tout aussi chiante  : Ne dorment plus, n’ont plus faim, ne prennent plus soin d’eux, n’ont plus de temps libre, ont mal au dos, font du yoga devant la télé, investissent dans une grosse voiture, envisagent de déménager, papa parle aigu, maman s’est transformée en monstre, ou vice-versa, gueule à souhait blablabla.
Être parent c’est quelque chose de sérieux.

Maintenant quand on sonne chez eux, avec de la gnôle et des cadeaux pour le poupon, la maman guigne d’abord à travers l’ouverture de la porte, puis supplie de se dépêcher d’entrer pour qu’un minimum de microbes colonisent l’intérieur de la maison.
Elle dit «  je vous laisse aller vous laver les mains AVANT de nous dire bonjour  » en mettant l’accent sur l’adverbe AVANT au cas où l’on aurait une relation conflictuelle avec la chronologie.
La première activité passe donc par les chiottes.
J’en profite pour lâcher un fil.
J’entends à travers la porte «  il faut bien frotter les mains  ».
À vos ordres, je me malaxe la grappe, en me frottant bien les mains pour donner une forme descente à mon petit biscuit qui joue à l’effarouché.
Lavé, je dis bonjour.
Je lui fous la main au cul et je l’embrasse, comme d’hab, mais elle me retient et me dit « la perversion c’est fini  ». Ma copine m’envoie le regard du «  tu enlèves tout de suite cette main  ».
Pas le temps de réajuster son comportement que l’ on se retrouve dans le gras du sujet, avec les contractions, la vitesse de dilatation, les complications, la coupe de cheveux de la sage-femme, l’explosion de merde sur le lit d’accouchement, la tête déformée du rejeton et toutes ces choses que l’on a déjà entendues environ 4000 fois.
À chacune de ses explications je dis «  ah ouais  ?  » mais aussi «  arrête  ?  » ou encore «  mais noooooon  » bien qu’au fond de moi j’aimerais croquer une capsule d’arsenic.
Enfanter, un moment tellement unique et pourtant tellement banal.

Depuis qu’il est arrivé le petit con, leur vie est stérilisée, nettoyée, récurée, décrassée.
Leur âme, désinfectée.
Les vêtements sont ébouillantés à 90°C et quand ça ne suffit pas, ils sont passés à la cocotte-minute.
Tout a rétréci mais tout est immaculé,
même une chlamydia se ferait… enculer  ?
«  Ne regardez pas nos habits  » qu’ils nous lancent, «  ils sont un peu courts  ».
Ah ça pour plaquer… on parvient à compter les rondelles sur le bidon du mari, il y a de la transpiration entre ses plis. Ce n’est plus T-shirt qu’il porte, c’est un buvard.
Moi, ça me noue l’estomac.
«  Prenez place  » qu’ils nous disent, pendant qu’ils vont chercher l’enfant prodige.
On pousse les 200 tissus en pilou et autres matières adorables, ainsi que la ribambelle de petits animaux mignons, souvent en voie d’extinction, et les boîtes à musique trop choues sur lesquelles on tire une ficelle pour que ça fasse «  cling cling gling plink  » pour enfin se trouver un bout de sofa, entre deux taches de vomi séché.
«  Regardez comme il est trop mimiiiii  » qu’elle nous dit. Ma copine est dans la rime, elle fait des «  hiiii  » tout crétins, le lutin fait un potin de «  ouinnnn  » et moi, par politesse je hoche la tête avec un air d’étonnement, ma meilleure imitation de De Niro.
Trop mimi… Ils se ressemblent tous à cet âge, avec leur peu de cheveux et leurs cuisses potelées.
D’ailleurs au Vietnam j’avais mangé des cuisses similaires.
On m’avait dit que c’était du rat.
Maintenant je doute.
«  Je lui donne le sein, ça ne vous gêne pas, hein  ?  » je n’ai pas le temps de réfléchir à une blague salace que le chouineur aspire déjà sur le pis suintant.
C’est presque mignon, mais ça ne me fait pas bander.
Bien que ça me fasse un peu drôle, parce qu’il y a quelques mois j’y ai aussi tiré sur ces grosses miches avec ma bouche, mais aussi avec ma queue. Alors voir téter là où j’ai disséminé, c’est normal que ça fasse tout drôle à mes souvenirs.
Ma copine fait «  ohhhh  », elle penche la tête sur le côté et me jette le regard du «  tu veux pas en faire un  ?  »
Ça va pas  ?
J’aime bien essayer d’en faire, des enfants, mais j’aime que mes essais restent infructueux.
Dit de manière moins poétique  : j’adore envoyer mon litron de gratitude dans sa raie et admirer le tout ressortir, pour aller s’infiltrer dans ses fesses et finir par éclabousser le matelas.
Ça, j’adore.
Surtout quand je ne dors pas du même côté.

Quand le truc a terminé de se saouler au petit lait, elle remise son attirail et le prend dans les bras, tapote sur le dos.
Un «  breeeuu  » se fait entendre.
Tout le monde applaudit, «  oh bravo  » qu’ils disent, avec une voix stridente et plein de sourires, «  il a fait son petit rot  ».
Heureusement, sur la table il reste du vin. J’attrape la bouteille et comme les regards ne sont pas sur moi, je la pompe au goulot.
On rote, bientôt on se congratulera les pets, c’est devenu la Chine ici  ?
Alors moi aussi je rote, en hommage à ces nouvelles normes sociales.
Quand je te dis roter, c’est roter un truc du genre «  breeeuuuuuuuu », il y a tellement de relent de vin blanc qu’il suffirait d’une étincelle pour transformer cette agape en attaque terroriste.
Et là, tout le monde me regarde.
Même ma copine m’envoie le regard du «  t’es vraiment un gros porc  ».
Ah elle est belle l’égalité, devant bébé la planète entière se prosterne, mais alors quand un bel homme comme moi éructe, on doit illico lui coller une étiquette de cochon.
Ah oui elle est belle l’égalité.
Au moins cette fuite de vapeur m’a dénoué un brin l’estomac.

La soirée se déroule.
Avant quand elle se déroulait, on parlait politique, on parlait de nos employeurs, ces proxénètes de la besogne.
Maintenant que la période est au puerpéral, c’est le développement durable qui est au centre des discussions  : comment laver de la couche-culotte et économiser de la poubelle.
Et c’est plus ou moins tout.
Ah si, il y a encore un petit quelque chose… Peu importe ce que l’on raconte, la réaction sera toujours «  woa c’est rien, tu verras quand tu auras des enfants  ».
Par exemple on aurait pu s’ouvrir les veines pour transfuser un troupeau d’éléphants, la réponse serait «  woa c’est rien, tu verras quand tu auras des enfants  ».
Souvent ils enchaînent avec une comparaison de ce qu’ils faisaient avant et ce qu’ils ne font plus maintenant.
«  ‘Tain ouais  » je dis, parce qu’ils veulent être plaints et je rajoute même «  c’est vrai qu’on se rend pas compte quand on a pas d’enfant  ».
Ça alimente leur monologue.
Ils se sentent compris.
Ils dépriment moins.
Moi, je regarde ma copine et je touche mon short, là où il y a ma queue. Je pense à sa vulve gluante d’excitation, que je démontrais bien à la cosaque.
Ça gonfle et j’ai envie de le sortir, mon braquemart, question d’avoir moi aussi une histoire à la mords-moi-le-nœud à raconter.
Je lui fais un clin d’œil en me léchant les lèvres.
À ma copine donc, pas à mon zguègue.
Je précise, parce qu’on a vite fait de se perdre avec le français, cette langue approximative.
Elle me répond «  oh oui tu verras quand on en aura  ». Je ne sais même plus de quoi on parle, «  en  »  ? Singulier  ? Pluriel  ? Je ne comprends rien.
Mais ma biroute, elle comprend tout. Elle se dégonfle, comme si elle venait de faire exploser par une aiguille.

Après qu’on ait fait le tour des sujets de conversations, je me lève d’un coup et je sors le fameux «  bon bein… on va y aller  », afin de les laisser profiter des quelques secondes d’intimités qui leur restent avant que la torpeur les accable.
Ma copine m’envoie le regard du «  tu t’assieds immédiatement  » et la maman en herbe dit «  avec tout ça, j’ai oublié de servir l’entrée  ».
Trop d’émotions, trop palpitante la soirée.
«  Mais chéri, avant que je commence le service  » qu’elle demande à son chéri d’amour, «  veux-tu changer le petit  ?  »
Elle fait même cette inversion interrogative que personne ne fait à l’oral.
Je m’attends à ce que son chéri dise «  non  », car utiliser le verbe vouloir en guise d’ordre est la quintessence du vice. Mais à la place il répond avec sa voix aiguë, «  on va solliciter tonton  » en me regardant. Ma copine frappe dans ses mains en disant «  oh oui comme ça t’apprendras  ».
Je fais un effort, pour pas que la soirée se transforme en carnage.
Mon ventre se noue à nouveau. Ouille.
Je ne suis pas ravi de la situation. Mon corps non plus, il l’exprime subtilement  : mes pieds traînent quand je marche en direction de leur chambre.

Le premier étonnement est que ça ne ressemble plus du tout à une chambre à coucher. Si la montagne de pilou m’avait surpris tout à l’heure, là je suis effaré.
«  Ici t’as la poubelle sèche et ici t’as les couches et ici t’as le talc et ici t’as la crème pour que les fesses de bébé restent douces et sentent bon  » qu’il me dit, «  et dans le coin là-bas, il y a notre lit  ».
Je lui dis que je ne me sens pas de faire tout ça… ces temps, je ne suis pas d’humeur goulag.
« Mais essaie » qu’il insiste, «  tu vas sûrement apprécier  ».
Tout le monde agit comme s’il fallait me convaincre de devenir papa. J’ai l’impression que derrière chacune de leurs tentatives se cache des slogans publicitaires d’un autre siècle. «  Frotter c’est l’adopter  », «  torcher un jour, l’aimer toujours  », «  le BB donne un sens AA votre vie  ».
Bon, je tire sur la culotte du petit machin, qui se laisse entièrement tripoter. Il me fait même des sourires en soulevant les pieds et les bras, avec des petits bruits de moque.
Vu que le moment semble être voué à l’intimité, je dis à mon pote « on se tâte un peu les boules quand c’est fini  ? » et je me reprends «  euh, le zizi  ?  » bien que le mot boule doit être homologué.
On pourrait se toucher les boules de pétanque par exemple.
Ou les boules de vanilles. Ou les boules de neige. Ou les boules et bill  ?
Il laisse défiler un ténu silence, puis un fin soupire, avant de me répondre « écoute… les déviances, c’est terminé ». Il m’explique que dorénavant il a une vie normale, loin du lucre et de la débauche.
Ce n’est pas possible  ! Un si petit machin ne peut pas autant changer de si grandes personnes.
J’entreprends une manœuvre rhétorique, rappeler le passé pour stimuler le présent. Je lui demande, « Tu te souviens du jour où l’on a proposé une tournante aux nanas de la classe  ? »
Je prends les tissus, j’éparpille le caca du petit poulet un peu partout, parce que ça me fait marrer de torcher de traviole.
Lui, ça l’amuse.
Il faut dire ce qu’il en est, ce n’est pas vraiment sale un bébé avec ses crottes de lait.
Enfin rien de comparable à un buffle comme moi après une tartiflette.
« On arrêtait pas de se prendre des NON, ERK, J’AI UN COPAIN, DEGUEU, PLUTÔT CREVER » que je rajoute.
Et mon pote dit « oula, j’avais ôté ce souvenir de mon esprit ».
Douze potes qu’on était. Des boutonneux. En rut. Fiers qui plus est, de nos odeurs de transpirations qui sentaient l'oignon.
Aucune fille ne voulait s’adonner aux plaisirs que l’on avait décidés pour elles.
Vu qu’à cet âge-là on n’arrête pas les hormones, l’un d’entre nous eut la bonne idée de ramener la poupée gonflable de son père.
La poupée tournante qu’il l’avait baptisée pour l’occasion.
La différence avec une vraie tournante, c’est qu’avec une poupée, la tournante commence déjà par une partie orale  : on a soufflé comme des dératés pour la remplir d’air, jusqu’à quasiment tomber dans les pommes, en se la passant de bouche en bouche.
Bien gonflée, ça devait couiner lorsqu’on pinçait le pied.
Ensuite, tous à poil, prêts à déchaîner nos instincts.
J’étais numéro 3.
La façon dont on avait déterminé l'ordre ne me revient pas, mais ce dont je me rappelle c’est l’état du plastique après deux mecs  : bien « huilé ». En plus, cela peut paraître anodin, mais on avait tous décidé de lui matraquer la tronche plutôt que les organes génitaux à cette poupée.
On n’était pas des lumières en géographie, mais pour notre défense, tous les orifices se ressemblaient.
Mon pote sort des nouvelles couches et me dit d’un air chagriné « tu sais qu’Igor… a fini anorexique  ? »
Non, je ne le savais pas. Zut.
Mais avant de parler d’Igor, il convient de dire un mot sur cette tournante.
Douze mecs qui éjaculent dans un polymère, cela fait un échantillon non négligeable de suc masculin. L’équivalent d’une petite bière. D’une caña comme ils appellent en Espagne.
Le but était de laisser fermenter tout ça.
Sur un balcon, au froid, au soleil, du jamais vu, même dans les meilleurs cours de biologie.
On aurait vu nos têtards se transformer en grenouilles, puis en mousse de caña et plus si la nature le voulait.
Sauf qu’Igor en décida autrement.
Ce gars se définissait lui-même comme drôle. Son sens de l’humour, il le travaillait pour pallier sa bite de gnome. «  Maxi gags pour micro pénis  » qu’il nous disait.
Comme ça les filles oubliaient son troisième auriculaire.
C’était une science approximative. Pour preuve  : il était avec nous.
Quant à son obésité morbide, il la mettait sur le dos de ses parents qui lui ont toujours obligé à finir son plat. À ne pas écouter ni son corps ni sa faim, il aurait développé des troubles alimentaires.
Ses explications évidemment, je n’aurais jamais osé inventer une histoire pareille.
À mon pote, je lui dis « montre-moi comment nouer la culotte ». Il achève le travail, le bébé est encore plus propre qu’à son premier jour.
Mon pote me regarde en souriant, lève son poing et me dit « Kawabunga ».
C’est le cri qu’a fait Igor lors d’une crise d’humour.
Il faut imaginer une masse opulente, Igor, prenant de l’élan, avec un petit bâton au kirsch frétillant entre les jambes, puis sautant sur la poupée gonflable, les genoux entre les bras, comme pour faire une bombe.
« Kawabungaaa », lorsque ça a explosé c’était bien plus que le cri des ninjas… Il y en avait partout, sur le mur, les meubles, le lustre, nos visages.
On venait de réinventer le bukkake.
« J’ai jamais osé raconter cette histoire à ma femme » qu’il m’avoue.
« Moi non plus » je lui réponds.
On se poile comme des trouducs dans cette chambre à changer et je lui ressors « ça t’a pas donné envie de se tripatouiller les zizis  ? »
Et là il secoue sa tête, en regardant au sol, avec cet air navré que l'on fait quand on ne veut pas donner un sou à un clodo.
Fait chier.

On retourne au salon avec le petit en pyjama-ourson. Il a même deux oreilles sur le capuchon.
« Vous avez parlé de quoiiiiiii » qu’elles demandent à l’unisson.
D’habitude j’envoie un truc comme « boa, pas grand-chose », de manière nonchalante, un peu blasée, pour éviter qu’on me relance avec des questions à la con.
Mais là, je suis prêt à sacrifier le secret et je dis « nos déconnades de jeunesses », j’ajoute une motivation dantesque à mes propos, « c’était tellement trop cooooool  ! On était des GROS MALADES ».
Les filles regardent le petit et disent « ohhh mais comme il est trognonnnn » et elles tendent les bras pour le prendre.
C’est ça le plus difficile avec ses potes quand ils deviennent parents  : ce sentiment de ne plus vraiment exister, de se sentir mal aimé, rejeté.
C’est peut-être pour ça qu’ils procréent à tire-larigot, pour avoir une garantie d’amour.

Sincèrement, à ce moment-là j’en ai plein le cul de parler du monde du bébé.
Pour changer l’ambiance, je me lève et j’enlève mon T-shirt en disant «  regardez  ». Mon pote me dit «  comme t’es sec  », je lui dis que c’est le clenbu ça, c’est ce qu’on donne aux bovins pour qu’ils produisent une viande maigre.
Le consommateur mange ainsi moins gras et vit longtemps pour manger d’autres bovins maigres.
Je sers mes pecs à bloc, on voit même les stries se dessiner, «  pour la force j’utilise des stéros pour femmes  », Anavar je dis. Ils sont peu virilisants, mais ils me foutent une telle rage que je pourrais me décharger dans tous les culs de la ville pendant une semaine sans m’arrêter.
Ma copine m’envoie le regard du «  tu remets tout de suite ton T-shirt  » et la mamacita prend parole «  De toute manière quand t’as un enfant  » qu’elle dit, «  les muscles n’ont plus vraiment d’importance  ».
Je me rhabille, me rassieds, ça parle coliques.

Un enfant à peine propre doit se salir.
C’est le principe de contradiction.
Personnellement, c’est un principe dont je ne me suis jamais séparé.
Alors qu’on a commencé à grignoter les pâtes au beurre, le gamin devient rouge, mais rouge, il devient tellement rouge qu’il a une veine qui pousse sur son front. Le papa dit « regarde comme il pousse », avant de rajouter « si on faisait la même chose à notre âge » qu’il dit, « on serait déjà désanussé ».
Et tout le monde, enfin parents et copine, font « ho hisse ho hisse » que l’on fait en général pour tirer quelque chose et non pas pour pousser. Le petit tremble tellement il presse fort, mais tous font ho hisse pour l’encourager, avant de s’écrier « bravooooo ».
Bravo  ? Mais ça va pas  ?
On dit que les gens qui bâillent lorsqu’ils voient quelqu’un d’autre bâiller sont des personnes emphatiques. Visiblement je suis quelqu’un de fort emphatique, mais pas avec le bâillement.
Mon pote me dit « woha, toi aussi t’as la veine sur le front » et ma copine m’envoie un regard de « coliques toi aussi  ? » et moi qui fais juste « muhhhh ».
Cette soirée m’a retourné l’estomac. La prot et le cageot d’abricots n’ont pas dû aider non plus.
Je me lève.
Le mouvement d’étirement me décontracte le colon et tout se déglingue dans ma culotte. Là, je le jure, je sens un filet qui s’échappe du canon de mon short pour couler le long de la jambe. Il finit dans mes chaussettes qui pompent tout.
Je marche les jambes droites afin de ne pas brunir le plancher.
En vain, on dirait le Petit Poucet.
Pendant que je me vide sur le trône, j’entends « t’es vraiment un ignoble porc ».
Elle est belle l’égalité, ah oui elle est belle.
J’ai toujours pensé que cette valeur était de la merde, pour le coup je suis servi.

Une fois ressorti, mon pote m’attend avec un slip à lui entre les mains.
Je moule tellement dans son cache-sexe que ça me fait presque bander de me sentir si à l’étroit.
Lorsque je reviens au salon, c’est le silence.
Opération réussie, sujet enfin changé.
Et même plus que réussie, car une telle action met prématurément fin aux mondanités. La prochaine fois je me coulerai dessus en début de soirée.
On salue tout le monde, on les remercie et on prend la voiture. Je suis encore un peu bourré, mais je conduis comme un Dieu quand je suis bourré. J’ai l’impression de mieux prendre les virages.
Mon falzar barbouillé, il est dans le coffre.
Ma copine m’envoie le regard du «  ça pue, c’est vraiment immonde  ». Alors j’ouvre la fenêtre, je sors le bras et je mets la clim à fond, pour repousser l’odeur vers l’arrière, bien que ce parfum ne me gêne pas vraiment.
Ne dit-on pas que ses propres effluves sentent toujours bon  ?

À peine franchit le pas de porte je me sens redevenir pervers.
Je prends mes lunettes en forme de cœur. Elles ont le verre rose, ça me donne un petit côté Rocco le lover.
Je lui dis « hey babe, enlève ta robe, je vais te déglinguer ». Je vais la soulever à un bras, et la pilonner jusqu’à ce que ma bite ressorte par le fond de sa gorge.
Rien que de l’énoncer, ça me raidit le wistiti.
« C’est vraiment la goutte d’eau qui fait déborder la cruche » qu’elle me dit. Elle enchaîne, «  mais regarde-toi, avec tes lunettes de péquenaud et tes culottes étriquées  » et continue sur «  Tu sais quoi  ? T’es le plus mauvais coup de ma vie  ».
Sur sa lancée, «  Toi, toi, toi et toujours toi, avec ta bite en tire-bouchon et tes éjaculations précoces  », elle hurle avec une méchanceté gratuite, comme quoi soi-disant je n’arrive pas à m’exprimer sans faire d’allusion sexuelle.
N’importe quoi.
Je lui demande si elle est obligée de faire usage de toute cette agressivité maintenant qu’on s’apprêtait à se frotter nos poils pubiens.
Elle file dans la cuisine, prend des assiettes, lance des assiettes, casse des assiettes, je lui demande d’un zen olympique, «  tu veux pas jeter les IKEA plutôt que celles de mémé  ?  » puis elle crie, « Mais comment ai-je fait pour te supporter tout ce temps  ? »
Il y a d’autres boîtes en verre qui volent, comme des pots de confiture, aussi de mémé. Je me planque derrière un meuble pour ne pas finir éclopé.
Elle pleure, «  est-ce que je suis si stupide, si conne  ?  » puis va dans son armoire, arrache quelques robes en tonitruant « je ne veux plus jamais te voir ».
Je lui dis «  mais je t’aime  ».
Vrai sentiment, c’est la première fois que ma monogamie n’a pas des allures de carcan. Et quand je pense à elle, ça picote partout.
«  Tu m’aimes  ?  » qu’elle me demande en se dirigeant vers l’entrée, les habits sous le bras tout en râlant «  si tu m’aimais tu m’aurais déjà inséminée  ». Elle termine sur «  t’as qu’à aller te branler avec ton pote Igor et ses poupées  ».
Mais  ? Comment est-elle au courant  ?
Elle s’en va avec les ergots d’une vieille poule en poussant des braillées, «  connard de pauvre type de merde va  » qui résonnent dans les couloirs.
Maintenant j’ai les larmes qui m'inondent et les jambes qui frémissent. Je n’ai même pas eu la force de la rattraper.
Peut-être aurais-je dû attendre un peu avant de lui proposer de piner.

Je vais aller me coucher.
Sans balayer, sans nettoyer.
Mais avant, je vais quand même me branler.
Bonne soirée.

Image - Antonio Lopez