Dire que l'on confie nos enfants à de pareils profs.

La méthode Monténosorry

Thème « Nourrir de faim  »
Groupe d’écriture Les dissidents de la pleine lune.
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« Les enfants, qui sont les méchants ? »
« Ez-ac-te-ment. Et pourquoi ce sont eux les méméchants ? »
« Ezact. »
Lorsqu’ils arrivent à l’école, même s’ils sont loin d’être finis, les valeurs d’égalité et de liberté sont déjà bien ancrées en eux grâce au peu de société qu’ils ont côtoyé. Mais pour que cette éthique fonctionne au mieux, les psychologistes ont montré qu’il faut un catalyseur pour décharger sa haine, aussi mièvre soit-elle.
Lorsqu’il est difficile de se remettre en question, trouver un coupable devient une solution.
« Est-ce que quelqu’un peut montrer à Madame comment on fait l’accent ? »
« Vas-y Jean-Yves-Pierre-Julien-François, relâche-nous ta pétulance, mais pas trop fort, hihi ».
Typiquement dans ce cas bien précis ici là, on leur enseigne à bien mâcher les mots, jusqu’à ce que cela devienne du chewing-gum linguistique. Évidemment, vous allez demander pourquoi : car nous nous retrouvâmes confrontés à un problème d’envergure. Ne pouvant discriminer sur la couleur de peau, les poils ou le genre, on a dû leur apprendre à identifier l’accent de l’ennemi, pour le différencier de ceux qui parlent pareille langue.
Plus que les reconnaitre, nous les formons à déblatérer comme eux, mêmes locutions, mêmes intonations, same same. Nos élèves sont mieux que des élèves, ils sont des caméléons de prosodie.
Écoutez, il le fait tellement bien.
« C’est super, mais peux-tu accentuer le mot Gosh s’il te plait ? » la voix doit plus montrer et descendre, avec davantage de surprise. On les fait hurler, mais surtout surjouer les expressions, car elles sont à l’image de leur nourriture, trop salée, trop sucrée, trop grasse, comme si un peu de finesse allait porter atteinte à leur valeur-reine, la médiocrité, « peux-tu me refaire ça ? »
Les prendre comme bouc émissaire représente plusieurs avantages, « euh mais c’est très bien, braaavo », incroyable non ? « Le motherfucker n’est cependant pas nécessaire Jean-Yves-Pierre-Julien-François », il veut vous impressionner avec des gros mots, mais ça, je ne laisse pas passer. On ne séduit pas des femmes de notre âge en parlant ainsi.
Bouc émissaire, car premièrement, ils sont géographiquement éloignés de nous.
Deuxio à travers des applications comme Insta, Snap le chat et toutes ces inepties virtuelles émoustillant la jeunesse à coup de notifications, la parade intellectuelle nous vient des sociologistes : les haïr, c’est s’attaquer de plein fouet à cet impérialisme numérique. Car les petits lapins que vous voyez présentement devant vous devant vos yeux bleus, se mettent à penser comme eux. Prenez Warren par exemple, tout petiot et déjà aussi large qu’inculte. Sa vie, c’est croquer des Doritos à pleine dent en regardant des vidéos de chatons qui explosent dans un micro-onde.
Face à ces comportements déviants, nous devons redoubler d’efforts dans notre rôle d’éducateur. Car à qui la faute ?
Qui instruit l’enfant instruit le parent.
Le vrai problème, ce n’est pas les bougnoules, les pédés ou les nègres, c’est tellement années 90 ça. Le vrai problème c’est que la culture est devenue l’ours blanc de la société, elle agonise au milieu d’un océan de stupidités. Mais nous les professeurs, on va la protéger cette culture, on va la sauver cette culture et on va la cultiver cette culture.

Voilà, j’espère que cette petite démonstration vous aura convaincue à laisser votre poupon chez nous. En toute objectivité, il vous sera quasi impossible de trouver un endroit plus progressiste que le nôtre. J’irais même jusqu’à dire que plus humaniste, c’est inhumain.
Avant que vous vous en alliez, à nos invités, on leur réserve toujours une surprise, une mélopée de la fraternité pour les remercier d’être passés.
« Les enfants, on va partir sur l’hymne national du Togo, version sirtaki. Prêts ? »
« 1… 2… 3… Salut à toi pays de nos aïeux… »