Grabuge chez les asticots, venez tester votre tolérance.

Grabuge chez les asticots

La plupart des gens sont ouverts d’esprit.
Paraitrait-il.
Ne pas juger, c’est la condition sine qua non du vivre-ensemble, surtout quand cet ensemble devient dense : à population nombreuse, connerie très contagieuse.
Tout se résume à cette question ô combien nietzschéenne : qui sommes-nous pour juger ?

Pour cette histoire, vous allez prendre votre pote.
Le meilleur.
Un soir, vous fumez sur le balcon des trucs qui embaument tout le voisinage.
Mais pas que.
Vous mélangez aussi des trucs qu’il ne faudrait pas mélanger, tout en sachant que demain votre tête et votre foie vont se venger de vos insolences. Ma foi, tout ce qui est doux pour l’esprit est amer pour le corps, c’est la punition de la vie.
Votre pote vous sort « j’ai trop envie de ken ». Sous substances, les pulsions ne demandent qu’à être relâchées. Vous lui proposez un xHamster pour que vous puissiez également les relâcher, ces pulsions.
Vous, vous êtes plus défoncé qu’une Katsumi et lorsqu’il vous dévoile sa fantaisie, vous souriez et répondez « chiche que t’oses pas ».

Il se lève.
Vous faites de même. Le monde titube autour de vous.
Vous allez dans le garage, à la recherche de la pelle perdue, puis c’est de guingois que vous marchez en direction du cimetière. Facile de le trouver, il suffit de suivre le clocher. Arrivés, votre pote braille en pointant du doigt, « Hé cousin, eux c’est pas le couple de charcutiers ? »
Vous n’en savez rien, vous détestez les gens.
Il vous explique le topo : lui et elle chirurgiens de la beauté, accrocs à l’adrénaline, se sont tués en deltaplane. Apparemment, leur mort aurait provoqué un tollé dans le village. Sans scalpel, la vie est cruelle et plutôt que les rides, certains choisirent le suicide. « Ça a même crashé l’économie locale », qu’il vous raconte.
Il se met à creuser, vous, vous retirez la terre à la mano. Quand la pelle tape le bois, ça fait toc, il dit « écoute » il donne quelques coups, toc, toc « … c’est le bruit du sexe mon frère ». Vous vous disposez de chaque côté de la boîte à charogne pour essayer de la sortir, mais c’est juste impossible.
Trop lourd.
Trop encastré.
Trop déchirés.
Vous dégagez alors les vis qui la jalonnent.
Lorsque vous tournez la première, ça fait « pfff », votre pote vous dit « vas-y qu’on dirait du Coca ».
Vous lui répondez que ça n’a pas la même odeur que du Coca.
Vous tournez les autres vis.
Plus de pfff.
Une fois retirées, vous décalottez le sarcophage et votre pote hurle « woh, check la mâchoire de la dame… », il vous regarde droit dans les yeux et vous sourit, « … comme elle est dé-fon-cée ». Si elle était moins disloquée, « wesh que je me serais bien fait suce » qu’il ajoute.
Il vous parle en comparaison, vous dit que c’est comme un pigeon qui se déglingue contre une vitre.
Elle, c’est contre une montagne.
Ensuite, il s’arme d’un air sérieux et vous explique qu’aux trépassés, il faut leur rendre un ultime hommage. Faire l’amour a un cadavre, c’est montrer qu’on ne l’oublie pas après sa mort et qu’on le désire malgré le temps qui passe, malgré la chaire qui flétrit. « Quelque part, c’est donner de soi sans rien attendre en retour » qu’il vous marmonne.

Il saisit la femme par les jambes, la glisse hors du cercueil. La moitié du corps exhumée, il vous jette « morte, elle est encore plus bonne », ce petit teint hâlé lui va trop bien « toi, tu te prends le mec, OK ? »
Vous lui dites que non.
Vivants, les hommes ne sont déjà pas votre truc, donc décédés, il y a des chances pour que ça ne le soit pas non plus.
Il ne vous écoute pas.
Ce qui l’intéresse lui, c’est la poitrine de la chirurgienne.
Il déchire son chemisier. Bien que la peau ait changé de couleur, elle a l’apparence est fraiche et tendue d’un pétunia. Votre pote force un chouïa pour enlever le soutien-gorge, il donne un coup sec, un des lolos explose et vous découvrez qu’un implant mammaire, ça n’est pas biodégradable. Il saisit la poche en silicone, « Woho touche ça » il s’exclame « comme ça va te retourner le prépuce », vous la lance pour que vous puissiez en apprécier la matière. Ensuite, il lui déboutonne le pantalon et tire sur les canons pour la déshabiller. Sa petite culotte en dentelle parle à votre moi sentimental.
Vous vous dites que la lingerie féminine, c’est un peu comme un trésor : seuls quelques privilégiés (comme vous) ont le droit d’y toucher. Votre pote coupe court à cet interlude romantique, il vient d’arracher le tissu tel un vieux bison en rut. Vous découvrez qu’au niveau poils, elle était farouchette. Ce qui vous saute à l’œil cependant, ce sont ses puissantes lèvres. Si elles ont subi une augmentation labiale ou simplement une tuméfaction post-mortem, vous ne le savez pas trop, mais votre pote plante un doigt dans le trou. Il y retire un ver blanc qui vous rappelle ceux que l’on trouve dans la farine, juste en plus costaud.
En fait, ça vous rappelle plein d’histoires, comme cette scène où Timon propose une larve à Simba dans le Roi Lion. Ou encore ces histoires de poisson amazonien qui rentre dans l’urètre.
Sauf que ce n’est pas un poisson.
Sauf que ce n’est pas un urètre.
Hakuna matata.
« Voilà, fraiche comme au dernier jour » qu’il s’exclame. Il sort ensuite son ustensile prêt à l’emploi, pose ses mains au niveau du bassin de la poilue, lui écarte les jambes et plante son hot-dog dans la chaire. Il fait des va-et-viens et à chaque coup de reins, la tête de la femme bondit, sa chevelure s’ébouriffe. Parfois on entend le « clac » des mâchoires qui se cognent entre elles, même si elles ne sont plus tout à fait face à face.
Des petits morceaux s’arrachent et restent collés autour de son kiki, « c’est moins cool que ce que je pensais », qu’il vous dit en tringlant l’épouvantail, « une meuf qui mouille si peu, c’est chelou », mais comme dans la vie il est du genre à toujours voir le verre à moitié rempli, il rajoute, « par contre froid, c’est sympa ».

Lorsque son ADN vient plâtrer ce funeste entrejambe, il émet un puissant grognement du tréfonds de ses entrailles. Et ça, même si vous n’êtes pas de la jaquette, et même si vous êtes au milieu de la nuit au milieu d’un cimetière, ça vous excite comme un Jack Russell, vous chopez la tangente.
Vous vous enverriez bien votre pote, mais ça casserait votre amitié, comme ça a cassé l’amitié de milliers de femmes avant lui.
Copain plutôt que coquin, c’est votre nouveau crédo.
« Vas-y, tape-toi le gars, mon frère » qu’il vous redit.
Cette fois-ci, vous vous laissez convaincre, car il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Et dire « j’aime pas » sans avoir testé, c’est puéril et réac.
Vous, vous n’êtes rien de tout ça.
Vous posez les mains sur les pieds du monsieur. Votre pote range son matériel encore coulant, remonte sa fermeture éclair, « Atta, je viens t’aider boy », tous les deux vous sortez l’homme de son couffin.

Lorsque la moitié du corps est sur l’herbe, vous lui enlevez sa ceinture. Puis vous lui déboutonnez son pantalon. Puis la boutique. Puis vous descendez tout ça. Lui aussi porte des dessous huppés et lui aussi est frais comme une mandragore, vous aimeriez bien lui ressembler une fois mort.

Le couac arrive au moment où vous abaissez son sous-vêtement : l’élastique du boxer croche sur sa tige. Vous continuez le mouvement, le membre s’arrache.
Mais pas que.
Vous regardez dans son short et vous découvrez le bout de saucisse séchée, ainsi que deux boules vermoulues par les asticots locaux qui vous disent coucou en faisant une danse du ventre.

La gerbe monte et ce n’est clairement pas dû à ce que vous avez consommé. Vous laissez sortir la quiche, qui vient badigeonner le macchabée. Devant vous, vous avez la version 2 du teint hâlé, des grumeaux en sus. Vous vous asseyez sur l’herbe pour reprendre vos émotions et votre pote vous dit « mec, t’es vraiment un deg ».

Vous n’avez pas beaucoup de valeurs, mais il y a tout de même cette règle de respect mutuel à laquelle vous tenez, « laissez la place comme vous l’avez trouvée ».
Vous rangez les corps presque comme avant utilisation.
Vous revissez la boîte d’alcôve, la recouvrez de terre, replacez le gazon et zou, vous vous en allez, l’un déchargé, l’autre dégouté.
Le crime parfait. Personne n’en saura rien.
D’un commun accord, vous décidez de ne plus jamais parler de ces frasques de biffin. Plus jamais jamais jamais de la vie.

Quelques jours plus tard, votre pote vous appelle. Quand il pisse, il pisse de douleur qu’il vous dit.
Et quelques jours plus tard, il vous appelle à nouveau. Il a subi une opération de chapon, « le doc il a dit que c’était une épididymite ». Vous répondez ah ouais, pour ne pas dévoiler votre esprit en friche, « c’est à cause de Rita, je suis persuadé » qu’il rajoute, « elle était sale ».
Quand vous raccrochez, vous googlez « épididymite », onglet images : des schémas d’appareil reproducteur masculin, mais surtout des couilles à foison, une plus grosse que l’autre, une plus rouge que l’autre.
Vous comprenez que ce n’est pas un truc qui fait bon vivre.
Et vous vous éprenez d’une certaine gratitude pour ce feu chirurgien : en perdant son paquet, il a sauvé le vôtre.