Le monde merveilleux de Sociovore : La vie ? La muse de Satan.

La vie ? La muse de Satan.

Thème L'automne au ralenti
Groupe d’écriture Les dissidents de la pleine lune.
Caractères 3133 / 3000

Initialement, cette histoire se voulait glauque. « L’automne au ralenti », c’était la mésaventure d’un mouflet qui, lorsqu’il rentre des cours, découvre que sa maman s’est jetée du balcon. Il y a une farandole de pin-pons devant la maison, ainsi qu’une couverture au sol, qui lui rappelle les parties de cache-cache avec elle. Elle disait que derrière les rideaux et sous la couette, c’étaient les cachettes les plus simples, mais les plus efficaces.
C’est là que le ralenti intervenait : plus l’évènement est violent, plus le temps se dilate.
Essayez de vous jeter depuis un balcon comme maman, vous verrez, la chute paraitra interminable.

Pour la partie « automne », le choix portait sur une allégorie de la vie. L’automne, la période du deuil.
Cliché, mais bienvenu.
À coup de brouillard et de cafard, on se demande très sincèrement comment on va la passer, cette bâtarde de saison.
Insh’Allah, il y a tout de même du rata de qualité en automne. Les châtaignes, la chasse, les champis. Ca correspond aux sourires des gens, la compassion, la pitié.

Hey, le voilà notre menu :

Ambroisie d’automne

 

Sourire aux châtaignes
***
Chassé aux champitions
***
Eclair de compassion

Manger pour ne pas déprimer.
Cliché, mais répandu.

Quant à l’épilogue, c’était la décharge de résilience : derrière chaque automne, un printemps pointe du bourgeon. Après être descendu au plus bas, on remonte. Tout ça.
Mais le happy-ending, c’était surtout pour suivre les règles de la dramaturgie classique… Accroche, chute et résolution de conflits dans un folklore prométhéen.
L’idée était d’envoyer un message du genre « tout est si éphémère », il faut profiter du moment présent.
Dans la vie, il y a toutes ces tristesses qui s’accumulent, parce qu’on a trop d’attentes des autres ou parce qu’on est mortifié par notre collègue qui n’aime pas la couleur de nos chaussettes.
Oh làlà, ce sont justement ces petits hics qui rendent l’existence si intéressante, palpitante. Intense même. Parce que le parfait et le bien ordonné, mon Dieu que c’est chiant.

Voilà, ça aurait été le message si on avait suivi les règles de la dramaturgie classique.
Mais les règles, les règles trois petits points
Alors mon jeune protagoniste, celui dont la maman a enjambé le balcon par mégarde, eh bien, on va d’abord le faire vieillir, puis le faire souffrir méchant.
Une sorte de mise en abyme du drame.

Il grandit. Avec ses traumatismes.
Il rencontre des gens. Plein. Des bons. Des mauvais.
Il s’amuse. Parfois. Un peu. Beaucoup.
Un jour, il se met à cogiter.
Ses amis ont enfanté, ils sont maintenant occupés.
Ses amies se sont amourachées, elles l’ont maintenant oublié.
Solitude.
Il gagne bien sa vie, « en travaillant pour travailler », sans but fixé, sans finalité, juste pour meubler ses journées.
Inutilité.
Maintenant il en position de comprendre sa maman. Sa folie, qui peut-être n’en était pas une. Il se dit que lui aussi il pourrait trouver un balcon à sa hauteur… Mais ça serait trop facile. Et ça ne se fait pas. En tout cas pas deux fois d’affilée, pas mère et fils.
Alors il décide de se laisser aller.
Il ne parle plus.
Il ne sort plus.
Il ne mange plus.
Et il sombre, et il sombre, et il sombre.

Image - David Lynch