Le monde merveilleux de Sociovore : Amour sous acide

Amour sous acide

Thème Le beau menace
Groupe d’écriture Les dissidents de la pleine lune.
Caractères 3149 / 3000

Elle me dit, « tu m’aimes à l’infini ? »
La dernière fois qu’elle m’a posé cette question, j’étais en train de jouir dans sa bouche. J’avais répondu « oui ». Là aussi je lui réponds « oui », parce qu’aimer, ce n’est pas qu’éjaculer.
Elle me demande ce que je serais prêt à faire par amour. Je sors ces phrases qui font rêver les femmes, avec des étoiles, des paillettes ou n’importe quelle vétille qui scintille pour représenter l’amour.
Devant elle, un cube bien mastoc et bien emballé. « C’est un cadeau pour nous. Ouvre-le », qu’elle me dit.
Alors je le déballe. Une batterie de voiture.
Niquedouille, c’est mon regard.
« T’as acheté une voiture ? » je lui demande.
« Sais-tu comme c’est difficile d’être une femme aujourd’hui ? » elle reprend.
Difficile ? Une femme c’est 40x plus de nerfs au niveau du sexe qu’un homme. Ça signifie que c’est 40x plus intense de s’envoyer en l’air et que ça peut s’enfiler 40x plus de nourriture dans ce sexe, pour un plaisir coquin et végane. En tant qu’homme, à part les donuts…
« C’est justement ça le problème », qu’elle me dit, « je ne suis qu’un vagin sur pattes ». Ce que veulent les hommes, c’est uniquement la sauter comme des débraillés.
Je lui dis qu’elle a plutôt de la chance, moi aussi j’aimerais que ça m’arrive. Des tendrons, des nubiles, des pucelles qui me courent après… oh oui des pucelles, parce que j’ai oublié l’effet que ça fait que de craquer des hymens du haut de mon gland fourbi d’émoi.
« Tu ne comprends pas », elle pleure. Les gens ne la prennent pas au sérieux. Ils ne reconnaissent pas son talent. Ils n’écoutent pas ses idées. Elle passe sa journée à repousser des mâles en rut, « avec toi c’est facile, mais avec mes chefs, beaucoup moins », m’avoue-t-elle.
Elle m’attrape ensuite la main, « aide-moi à ce que les gens voient ma beauté intérieure, plutôt que mon physique ».
Niquedouille, c’est encore mon regard.
Elle se couche au sol, « si tu m’aimes, verse le contenu de cette batterie sur mon visage ».
Je lui dis que l’eau distillée va faire couler son mascara.
Elle s’énerve, « arrête de faire le con, tu sais très bien que c’est l’acide sulfurique qui m’intéresse ». Elle ferme les yeux, « fais-le comme preuve d’amour. Pour moi, pour toi, pour notre couple ».
Je l’aime… mais mon amour a tout de même des limites. « Et les brillantes théories que tu viens de me faire ? Avec les paillettes et les étoiles et les vétilles ? » elle se lève, débouche les cellules de la batterie, « tu ne vaux pas mieux que les autres », elle tente de la soulever, ça pèse une tonne cette merde. J’essaie quand même de l’empêcher de se boursoufler le minois. Je saisis la batterie, mais elle me glisse des mains et vient s’écrouler au sol. Dans la foulée, trois de mes orteils se font défoncer. Elle se met à me taper, « espèce d’enflure », plonge ses doigts dans les petits trous, se badigeonne la gueule avec, « ahh », puis penche la batterie, se remplit la paume d’acide, s’en met sur les cheveux, « ahh, aide-moi, ça fait mal ».
Niquedouille… Je lui sors « courage ma chérie, il faut souffrir pour être belle… de l’intérieur » et je me casse de chez elle en boitant, mais en courant.

Image - Tyler Spangler