Le monde merveilleux de Sociovore : Parfum de vivisection

Parfum de vivisection

Note : ce texte contient des placements de produits.

Une chambre.
De la lumière.
Du silence.
« HOP HOP HOP on se réveille », un homme tape sur l’armature du lit en laiton avec une tenaille.
Bruit métallique.
« Hein ? Quoi ? », un autre homme ouvre les yeux, tout paniqué, en culotte Disney. Il essaie de se débattre, mais ses membres sont attachés par des menottes aux montants du pieu.
« Salut, c’est Polochon », lui dit celui à la tenaille. Il se dirige vers son pied, écarte la pince, la pose autour de son petit orteil et d’un coup sec, la referme.
« AHHHHHH », il hurle, comme ce n’est pas permis de hurler.
« Tais-toi, tais-toi », dit-il, « cet orteil ne sert à rien ». Au moment du pincement, il y a eu une giclée en spray. Maintenant ça pissoie cramoisi, voire violet. Pas non plus énormément, parce que ce petit doigt est très peu irrigué.
Même le corps s’en fout de ce petit doigt.
« Vous êtes cinglé. Qu’est-ce que je vous ai fait ? Je ne vous connais pas, AHH », il continue à brailler, un brin crispé.
« Rien. Tu ne m’as rien fait », répond-il en laissant tomber la tenaille, avec en sa face intérieure, le bout de peau qui contient un bout d’os. Derrière lui sur la table, une caisse à outils. Il se retourne, s’approche d’elle, y glisse la main, fouille un peu, sort un marteau. Il revient vers l’attaché, caresse son pied, sa cheville, puis lui tâte le mollet, se met à jouer avec sa boule de genoux, en haut, en bas, de guingois. « J’ai toujours trouvé impressionnant la mobilité d’une rotule » et l’autre de hurler d’une voix saturée, « arrêtez, s’il vous plait, je ne vous ai rien fait ».
« Chut maintenant, on t’a assez entendu », il pose la main sur la bouche de l’écartelé et lève le marteau. Mais au moment de le lever, ce marteau, des coups retentissent dans le mur. « T’es pas seul ? » qu’il lui demande. L’autre fait des « mhhh, mhhh » sous sa main. Il attrape un morceau de journal qui traîne sur la table de chevet, en fait une boule et la lui bourre bien profond dans le gosier, « tu restes là, d’accord ? »
Sur la pointe des pieds, il sort de la chambre en marchant, longe la paroi, ouvre la porte de la pièce voisine d’où les bruits semblent provenir, le marteau toujours à la main. Il allume, prêt à envoyer la tannée du siècle.
« Mais ça va pas de faire un tohu-bohu pareil, j’essaie de dormir moi », crie une vieille dame en pyjama.
« Euh… » l’homme désamorce le marteau, il l’abaisse au niveau de ses cuisses. Emprunté devant les rides de cette femme ultra mature, il lui explique que de l’autre côté, ils sont en train de répéter.
« Mais que répétez-vous donc, mon bon monsieur ? » demande-t-elle, la voix remplie du trémolo de l’âge.
« Euh… une pièce de théâtre… »
« À cette heure-ci ? Aidez-moi à atteindre ma chaise mon bon monsieur, que je vienne voir cela ». Elle s’assied dans son lit, ses cheveux ont pris la forme de l’oreiller. Elle tend le bras pour qu’on puisse l’agripper sous l’aisselle, « et le marteau, c’est pour mettre de l’ordre dans les idées ? » qu’elle demande. Il la dépose dans son fauteuil à roues.
« Madame, je tiens à vous avertir qu’il s’agit d’un théâtre d’horreur. »
« Oh, figurez-vous bien, mon bon monsieur, que j’ai une folle marotte de l’horreur », dit-elle.
Il l’amène dans la salle, là où le lit s’est emparé de l’homme aux neuf orteils. Lorsqu’elle le découvre, « Dolfi ? Tu m’avais caché que tu faisais du théâtre. »
Dolfi fait des « mhhh, mhhh » en bougeant la tête de droite à gauche, ce qui amuse totalement la tricentenaire, « hé, mais c’est drôlement bien foutu votre combine, dis donc ».
Il l’installe dans un angle de la pièce et lui dit, « ici vous serez aux premières loges, mon auguste dame », elle se met les mains sur les genoux, là voilà tout ouïe et tout vision, le sourire en coin.
« Où en étais-je ? », dit-il tout fort dans la chambre, « ah oui… », il se remet à tripoter la rotule et ressort la phrase, « …la mobilité de la rotule, stupéfiante, non ? » il lève le marteau et le fait descendre à tout bastringue sur cette boulette. L’impact ne produit presque aucun bruit, mais déplace la patella à mi-tibia. Presque aucun bruit, car à trémousser comme une queue de lézard dans ce lit, les menottes se sont mises à danser le sirtaki sur l’étain. Et des gling-glins. Et des chouinements. Et des pleurs.
« Alors si vous me permettez », dit la mamie à grande voix pour se faire entendre dans ce charivari, « mon bon monsieur, je vous trouve époustouflant. Quant à toi, Dolfi… » chevrote-t-elle, « … je trouve que tu t’égares un peu en couinages », elle le pointe du doigt lorsqu’elle papote, « mais déjà petit tu étais comme ça. Tu t’en souviens ? Quand je t’avais offert le nounours en peluche, comment il s’appelait déjà ? Non d’un steak, comment il s’appelait, tu t’en souviens ? Hein ? »
« Madame ! » l’interrompt-il, « dans un théâtre les spectateurs ne parlent pas ».
« Oh oui, pardon », qu’elle dit, « c’est que mon coeur vibre d’émotion ».
Il laisse tomber le marteau à terre, qui amène de la compagnie à la tenaille esseulée. Le disloqué, quant à lui, halète comme un asthmatique dans du pollen.

Les deux hommes se regardent, l’un amusé, l’autre tétanisé, « aujourd’hui est un jour spécial », dit-il, « c’est le vingt-huitième anniversaire de Lily ». Sur ces mots, les yeux du bigorné se désorbitent, il se met à chouiner davantage des uhhh et des mmmh. « Ça fait tellement longtemps que j’attends ce jour… t’avoir enfin en face de moi ».
L’attaché essaie de se débattre avec insistance, en tirant de toutes ses forces sur les anneaux, mais les montants du lit rigolent de ces chatouillis.
La vieille demande, « mais c’est qui Lily ? »
Des frottements se font entendre, provenant de l’entrée.
« Qu’est-ce que c’est encore que ces gratouillis ? » qu’il s’interroge d’un ton sec. Il se dirige vers la porte, l’ouvre, et la mémé de s’exclamer, « oh, mais c’est Rufius ! Viens Rufius, viens ! »
Rufius, avec tout ce petit monde, est l’animal le plus heureux du monde. Et il frétille, et il fait la fête, et il aboie de joie. Puis il saute sur les genoux de sa maîtresse défraîchie.
Il continue, « les années passent… mais il n’y a pas un seul jour où je ne me suis pas demandé ce qu’elle a pu ressentir, ma Lily ».
« Mais qui est Lily », insiste la vieille, avec une voix rauque maintenant. L’homme fronce les sourcils, « ma fille, pardieu ».
« Ne me parlez pas sur ce ton mon bon monsieur », dit-elle, « car je pourrais être votre mère ».
Il l’ignore et s’approche de l’attaché. Il empoigne sa culotte Disney et l’arrache d’un coup sec, ce qui laisse apparaître un tempura de crevette flasque, enfoui sous une bonne couche de lard et des poils frisés à foison.
« C’est avec ça que tu es rentré dans ma Lily ? »
Il prend le scampi entre le pouce et l’index, effectue des mouvements de va-et-vient sur sa peau fripée, « bande maintenant » qu’il lui ordonne. Il le serre, le tire tel un élastique, « BANDE je t’ai dit », l’homme couine et lâche un filet d’urine sur sa main. « N’aie pas peur Dolfinou », qu’il lui dit en s’essuyant sur son visage, « la peur, c’est uniquement dans la tête… concentre-toi sur ta respiration Dolfi ».
« Votre théâtre me rappelle un cirque que j’ai vu une fois à la télé », s’exclame la ratatinée, « un homme se suspendait par le pénis ». Sur ce commentaire, il relâche le crustacé, devenu bleuté et fissuré en sa base. Peut-être même qu’il s’est un peu allongé.
Après quoi il s’incline à son oreille, avec un souffle qui siffle quand il sort du nez tellement il est intense. Il lui chuchote dans le tympan, « tu t’es demandé si elle avait eu mal ma Lily ? » et continue, « au moment où tu as introduit ta pine tuméfiée dans son utérus pas encore fini ? » il renâcle, « elle a hurlé Lily ? » ouvre la bouche, saisit le lobe entre ses dents et serre.
Et serre.
D’abord, un filet de sang colore ses incisives. Ensuite des gouttes bien chaudes viennent barbouiller sa gencive inférieure à mesure que les dents s’enfoncent dans le cartilage. Il donne un mouvement brusque de la tête, ce qui fait sauter les points d’attache de l’oreille, d’une précision chirurgicale.
Tous les membres se mettent à trembler à l’unisson, tel un possédé se faisant exorciser. Ça ruisselle, de ce sang qui brunit et qui devient visqueux en refroidissant, sur l’oreiller devenu buvard.

Lorsqu’il se retourne, le visage dégoulinant d’hémoglobine et de rage, mémé a les doigts plantés dans le nez. Elle ne bouge plus, sa bouche est ouverte, ses globes oculaires paralysés. « Incroyable », dit-elle.
Il recrache le bout de peau, comme on crache un noyau de prune, avec le même bruit de flop.
Rufius descend des genoux de la mamie, vient renifler la couenne qui gît au sol et commence à croquer la gourmandise avec ses carnassières.
Il reprend, « je ne pensais pas que j’aurais pu faire ça un jour… mais ça ne me fait rien… », il inspire, « … rien du tout. » le dépecé fait des petits mouvements hérétiques dans le lit et a les yeux bien fermés. « Oh, tu m’écoutes là ? »
Il y a tellement de gling-glings qu’on se croirait au milieu d’un troupeau de moutons.
Il lui envoie des baffes, « tu vas ouvrir tes yeux, bon sang », et des baffes, et des baffes, mais aucun œil ne daigne s’ouvrir.
La mémé prend parole, « de mon temps, pour forcer les malfrats à contempler ce qui leur arrivait », dit-elle, « on leur coupait les paupières », qu’elle ajoute avec l’enthousiasme de la personne qui amène une solution à un problème.
« Madame, je ne peux que m’incliner devant pareilles connaissances », lui jette-t-il, pour ensuite lui baiser la main.
« Oh mon bon monsieur, voyons… vous savez comment séduire une femme vous » ses joues rougissent, elle regarde même vers le bas tant quelle parait gênée, « vous trouverez un couteau dans le tiroir de la table, là-bas », dit-elle en pointant son doigt arthrosé à l’endroit où le dénicher. Il ouvre ledit tiroir, dans lequel il y a des magazines, des morceaux de tissu et la lame convoitée.
Le couperet à la main, il se dirige vers l’homme frémissant.
« Arrête de bouger, ça pourrait riper et te faire mal », il approche la lame de son œil et de l’autre, lui appuie sur le front, pour qu’il cesse de gesticuler comme un couillon. L’homme se cambre, il essaie de reculer dans le lit pour échapper à sa fatalité. Il lui décolle la paupière en pinçant du bout de ses doigts, le coude toujours sur le front, le couteau toujours dans la main. Au moment de lui crever le prépuce oculaire, l’homme crache le journal qui s’est imbibé de salive et se met à hurler, « arrêtez, arrêtez, pardon, s’il vous plait, je vous en supplie ».
« Tu m’en supplies ? » il se redresse et s’éloigne de son œil.
« Je vous en supplie… », il pleure, « j’ai payé, j’ai fait de la prison », dit-il d’une voix de giton des rues.
L’autre reste silencieux, le regard inerte. Lorsqu’il se décide à l’ouvrir, il lui dit, « ah ce concept d’absolution… »
À chaque erreur de la vie, sa solution, son pardon, qu’il dit. Et c’est bien le problème de cette société, qui a transformé la vie en denrée marchande où tout se paie. On paie avec sa liberté, on paie avec son temps, on paie avec son argent et l’on croit que parce qu’on a payé, tout est arrangé, tout est oublié. Mais certaines choses n’ont pas de prix et certaines actions sont irrémissibles.
Il lui explique qu’il n’a jamais voulu d’enfant. Mais lorsqu’elle arriva, Lily, elle lui amena cette motivation qui lui donna envie de se lever chaque matin, sans chercher impérativement un sens à la vie.
Parce qu’elle est bien inutile cette vie.
Parce qu’on ne sait pas ce qu’on fout, dans cette vie.
Vivre. Vieillir. Mourir.
Il observe dans le vide. Dans la salle, plus un son. Même plus un chouinement. Jusqu’à ce que la mamie chuchote « vivre, vieillir, mourir… j’y avais jamais pensé ».
Il reprend ses esprits. Sur la table de nuit, il y a un tube de Smarties, qu’il saisit. Il fait sauter le bouchon avec son pouce et met quelques pastilles dans le creux de sa main.
« Lily c’était notre petite fleur de bonheur que l’on regardait pousser », elle leur avait appris à devenir des parents, à faire passer les besoins d’autrui avant ses propres besoins. « Jusqu’à ce que tu arrives et que tu fasses ton carnage… » dit-il sans intonation aucune, le regard vitreux. « Pourquoi moi ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » il s’enfile encore quelques dragées et continue, « la seule explication plausible que j’aie trouvée », dit-il, « c’est que Dieu est une pute en manque de divertissement et quand il s’ennuie un peu trop, il crée du drame pour se distraire ».
« Mon bon monsieur, vos propos me choquent », dit la vieille, « Dieu ne peut pas être une pute, car il est obligatoirement un homme ».
Il prend une grande inspiration, et lui tend le tube de chocolats, « vous en voulez ? »
« Oh non merci mon bon monsieur, je me suis lavé les dents », affirme-t-elle, « je me lave toujours les dents avant le téléjournal ».

Alors il retourne le tube de Smarties. Tous ces petits bonbons tombent au sol, sautant comme des poux, amenant une farandole de couleurs à la lividité de la tenaille et du marteau. Une fois le tube vidé, il reprend le couteau.
L’éclopé se met à couiner, « non, s’il vous plait, s’il vous plait », mais il lui répond, « arrête de geindre, je ne vais quand même pas te planter », il décalotte l’autre côté du tube de Smarties, « j’ai davantage d’imagination mon Dolfi chéri ».
Il porte à ses yeux le cylindre bigarré, « avec Lily, on disait que c’était un télescope et on regardait les étoiles comme ça », il fixe le plafond avec le tube sur l’œil. Puis il le dépose sur l’ombilic de l’homme, comme pour prendre des mesures, voir si le petit trou du ventre est de la taille du grand trou du tube. Il s’éloigne ensuite de l’estropié, direction encore une fois, la caisse à outils. De cette caisse, il y sort un tournevis, dont la tête est aussi large qu’un pouce de bûcheron.
Par réflexe, l’alité se remet à glousser. Il pose le tournevis dans son nombril.
« Non, non, non, non, s’il vous plait, pas ça, pas ça », mais il lui lâche un « chut » en levant l’index devant la bouche. Il saisit la poignée du tournevis des deux mains et de tout son poids de corps, se met à appuyer.
Et l’autre, à hurler.
Il faut savoir que trouer un nombril est moins évident qu’il n’y parait. D’abord, il faut percer le renflement ombilical. Ensuite on atteint la barrière du muscle droit de l’abdomen. Avec un peu de chance, on peut perforer le tissu aponévrotique, qui est moins résistant que les fibres musculaires. Enfin, on accède à ce qu’il y a dessous : le jéjunum, la partie la plus boudinée de l’intestin grêle.
Il presse, il jure, « saloperie de nombril » et l’autre de gueuler, tellement fort que la mémé fronce les sourcils. « Oh, tu me saoules là, ça me stresse de t’entendre miauler comme un damné », il prend cette fois-ci un chiffon qu’il a sorti du tiroir et le lui rebourre le rostre pour qu’il se la coince.
Il saisit le marteau qui est au sol, pose à nouveau le tournevis sur ce nombril échancré, et commence à taper, et à taper. À chaque coup on voit pénétrer un peu plus ce clou dans cette poutre vermoulue. L’autre ne crie plus, son corps gigote, il convulse, ses membres se lèvent n’importe comment.
Les médecins légistes connaissent bien ce réflexe, où les macchabées se mettent à gesticuler comme des pantins désarticulés lorsqu’on leur perce la panse. Ils appellent ce réflexe le « signe de Lazare ». Ça les fait toujours marrer d’ailleurs.
Chez les vivants, le réflexe est encore plus violent. C’est encore plus rigolo.
Une fois qu’il est bien dedans, c’est avec le tournevis en courroux qu’il fait des tours, et des tours, comme on tournerait une polente avec les deux mains, pour faire de son trou de naissance un puits béant. Il retire l’outil et y plante le tube de Smarties. Il doit tout de même un peu forcer, pour qu’il rentre. De ce cylindre, il y a une sorte de soupe de légumes brunâtre qui s’échappe. Avec des grumeaux rougeâtres et verdâtres, comme dans une soupe de légumes, mais avec une odeur bien moins agréable qu’une soupe de légumes.
Ni du bol alimentaire ni du chyme.
Ni du vomi ni de la merde.
Rufius, curieux qu’il est, a sauté sur le lit pour renifler ce liquide si étrange. Il grimpe sur le ventre du troué, ce qui fait jaillir le jus à travers le tuyau arc-en-ciel. Des petites bulles pètent les unes après les autres, comme si c’était en train de bouillir.
Mais à ça, même Rufius refuse d’y goûter.
Sur sa chaise, la mamie a les yeux lourds. « Je suis fatiguée », dit-elle, « et ça ne sent vraiment pas l’anis ici. Même à mon âge, je n’arrive pas à faire des effluves pareils ».
« Vous avez raison », reprend-il, « toutes bonnes choses ont une fin ».
Il s’avance vers le front du purulent et l’embrasse, « prends tout cela comme une preuve d’amour de ma part. Je te libère de ce chancre qu’est la vie… » lui chuchote-t-il là où il y avait l’oreille, « avec ma femme on doit encore attendre que le destin nous pourrisse de l’intérieur ».
Il se positionne derrière la chaise de la vieille, la pousse. Quelques chocolats craquent sous les roues, sous les pieds. Elle lui dit « bonuit Dolfi », en secouant la main pour lui souhaiter une bonne nuit. Au moment d’éteindre la lumière et de fermer la porte, il donne un dernier coup d’œil à cette nature presque morte et sourit devant son chef-d’oeuvre.
En ramenant la décrépie dans sa chambre, elle lui dit « mon bon monsieur, vous n’avez pas idée comme ça me fait plaisir que Dolfi se soit lancé dans un domaine artistique ». Il la soulève et la dépose dans son lit, lui met la couverture sur la poitrine, lui dit bonuit aussi. Rufius s’est installé sur la couette, il roupille en boule et bouge la queue lorsque quelqu’un parle. Quand il quitte la pièce, elle rajoute, « vous savez mon bon monsieur, sans mon Dolfi, voilà des années que je serais décédée », dit-elle, « il s’occupe tellement bien de moi, j’ai beaucoup de chance… beaucoup de chance ».
Il éteint la lumière et ferme la porte.

Image - Jean-Michel Basquiat